Au fond du bois Riou
( Claude Achille )
Au temps ou le temps n'existait que sur
le cadran des murs ensoleillés.
C'était le temps ou il faisait bon vivre
avec le cycle de la nature. Les bois étaient
habités par un petit peuple d'êtres étranges.
Ils ont gardé une place dans la mémoire
des conteurs de légendes d'aujourd'hui.
Certain de ces beaux parleurs racontent
des histoires qui n'ont ni queue ni tête.
Moi, je vais vous conter une histoire vraie,
une véritable péripétie, dont le héros est
l'héritier unique du gardien des mystères
des Dames Blanches.
- Je suis vraiment le plus beau de tous
! Vraiment le plus fort ! Et je ne vous
parle pas de mon intelligence, qui dépasse
largement vos pauvres cervelles de troll
!
Proclamait haut et fort Kroïk à ses deux
serviteurs et amis, qui ne le quittait jamais.
Kroïk regardait l'image que lui revoyait
le morceau de miroir, qu'il tenait serré
dans ses mains. Il l'avait volé une nuit
où l'enchanteur était en visite loin de
son gîte.
Il s'était glissé la nuit dans la cabane
du bois Riou, là où l'étang prend sa force
magique. Avait fouillé dans les armoires
et coffres de l'enchanteur, espérant trouver
un livre de magie. Dans un faut mouvement
avait brisé un miroir et c'est de celui-ci
que venait le morceau dans lequel il s'admirait.
- L'état de Korrigan ne va pas avec nos
pouvoirs ! Les hommes, ce sont eux qui devraient
être dans l'humidité des bois et nous dans
leurs confortables maisons et châteaux !…
Disait-il souvent, au Roi son père.
- Tu me fatigues mon fils, notre place
est de servir les Prêtresses et les Druides
! Notre destin est de garder les secrets
de notre Sainte Mère la grande Dame et c'est
le plus noble des devoirs ! Répondait toujours
le Roi à son fils.
Kroïk ne répondait jamais par crainte
de la colère de son père, mais il piquait
souvent sa colère une fois dans ses quartiers.
La nuit venue, il partait, comme les autres
Korrigans, faire le ramassage des victuailles
que les hommes laissaient en offrande.
Ces dons en nature existant depuis la
nuit des temps et notre petit prince accompagné
de ses deux amis ne chaumait pas. Toutes
les nuits ils partaient, avec leur carriole,
glaner les victuailles que les hommes laissaient
tantôt sur la table, tantôt près de la cheminée
ou parfois à la porte de leur maison. Il
était connu de tous, qu'il ne fallait pas
oublier son offrande dans le secteur du
bois Riou, même une seule fois, sinon malheur
de malheur, vous ne retrouveriez pas un
seul objet à sa place. Tout était inversé,
les sabots dans le cellier avec les fromages,
les draps de lit avec la vache couchée dessus,
le meuble au pain mouillé par le petit lait
de la vieille. Et si par vengeance vous
ne laissiez rien le soir suivant, alors
là, les meubles étaient remplis de crottes
d'animaux, les chèvres étaient retrouvées
en libertés dans le potager, le grain pour
l'hiver était souillé et perdu, et mille
catastrophes impossibles à imaginer tellement
Kroïk était inventif dans l'art des méchancetés.
Malheureusement c'est ce qui arriva à
un fermier du pays, qui parti quérir son
Seigneur. Le noble Maître convoqua
l'enchanteur.
Deux jours plus tard, l'enchanteur fût
annoncé au château, malgré son grand âge
il était toujours accueilli comme un grand
homme. Après s'être restauré en compagnie
du Seigneur, l'enchanteur qui se doutait
bien qu'il y ait un problème important à
réglé, demanda en regardant dans les yeux
du maître des lieux :
- Alors que se passe t-il dans vos terres
pour me faire tant d'honneurs ?
- Les Korrigans bien-sur, ces foutus
Korrigans qui de nouveaux agressent mes
gens ! Dit le Seigneur en frappant la table
de son poing fermé.
- Vous ont-ils volés ? Ont-ils fait mourir
des bêtes ou brûlés quelques granges pleines
de foin ? Ont-ils dansés et chantés toutes
les nuits sur le toit de votre demeure ?
Répondit l'enchanteur avec un oeil si brillant
que le seigneur changea de ton.
- Non, non ! Rien de tout cela. Ils sont
simplement épuisants pour un de mes fermiers.
Mais je connais bien cet homme et quand
il dit qu'il va mettre le feu au bois Riou
pour chasser le petit peuple. Et bien moi
je le sais vraiment à bout de patience.
Mes autres gens sont près à lui donner la
main pour régler le problème des Korrigans
et je préfère que se sois-toi vieil homme
qui t'occupe de calmer les uns comme les
autres. Mon père, il y a bien longtemps,
m'avait prévenu de ce genre de situation
et m'avait dit " prendre le Druide
qui vie dans le bois comme porte-parole,
il est le seul à connaître encore le secret
des chose ". Alors voilà je te confis
la situation !
- Bien ! Je vais rencontrer le décideur,
et voir avec lui qui est coupable. Mais
si le fermier est responsable et qu'il ne
veut plus donner aux glaneurs ce que la
tradition impose, me donnes-tu le droit
de le punir à ma façon ?
- Nous te faisons confiance depuis si
longtemps dans cette maison, je ne voie
pas pourquoi ton jugement serait contesté
! Sur ces mots le seigneur donna l'ordre
de faire savoir à ses gens que le manquement
aux traditions était bien plus grave que
la colère du petit peuple, et que l'avarice
était mal venue dans son domaine.
Le soir même, le vieil homme pratiqua
l'enchantement sacré qui donne au druide
le pouvoir de regardé dans la nuit avec
les yeux des Korrigans. De cette façon il
peut voir la porte secrète qui s'ouvre vers
leur royaume. Après une longue marche
dans les bois, il arriva devant deux gardiens
de la mémoire, leur peau couleur de nuit
faisait ressortir la couleur verte de leurs
yeux trop grand. Armés de haches et de lances
ils gardaient farouchement la porte de pierre,
seule entrée du royaume. Sans lui dire un
mot ils le firent passer du monde des hommes
au monde des fées, par le sombre tunnel
des vérités.
De l'autre coté, une fois la porte passée,
une des prêtresses du petit peuple le conduisit
au travers du verger magique. Chaque arbre
portait des fruits d'or ou de pierre précieuse,
des milliers de petite lueur flottaient
autour des arbres comme s'il y avait une
pluie de petit soleil.
- Il y a bien longtemps que je ne suis
pas venu contempler cette merveille ! Ce
dit le vieil homme avec un fond de nostalgie
dans le cœur.
Arrivé dans la grande salle des palabres,
l'enchanteur retrouva avec bonheur le Roi
des Korrigans, ce vieil ami n'avait pas
changé. L'enchanteur s'inclina et fit les
gestes sacrés du protocole, le Roi lui prit
les mains. La chaleur de leur retrouvaille
provoqua dans toute l'assemblée une vague
de joie.
- Que me vaut le plaisir de te revoir,
mon grand ami ? Dit le Roi des Korrigans.
- J'aurais aimé venir avec un message
de paix et de bonheur, mais je suis mandaté
pour vous parler de la colère des hommes.
Il y aurait un problème dans plusieurs fermes
où le comportement agressif du petit peuple
ne serait pas justifier ! Dit le magicien.
- Agressif ! ... Repris le Roi, avec
un air étonné.
- Oui, Seigneur ! Il y a parmi les glaneurs
d'offrandes, un groupe qui se comporte comme
des hors la loi. Ils ne respectent plus
les règles imposées, et font leur justice.
- Qui ? ... Dis-moi qui ? …Qui peut oser
défier les lois et coutumes de son peuple
?
Toute l'assemblée réunie protestait.
Qui jetait sur eux une telle honte ? Qui
s'était permis de briser l'ordre des choses
? …
- Je ne veux pas nommer celui qui bafoue
vos lois, mais je sais que celui-là s'admire
dans un morceau de miroir magique qu'il
m'a volé ! Affirma le vieil homme en regardant
l'assistance.
- Ton silence est respectable mon ami,
mais il me faut trouver ce mécréant pour
que l'ordre des choses reprenne sa place
! Que le grand conseil des Korrigans commence
sur-le-champ ! Appelez tous les élus à siéger
!
Le Roi d'un geste de la main fit sonner
les trompes et toutes les portes s'ouvrirent.
La grande salle résonnait de mille paroles,
les hommes comme les femmes du petit peuple
vinrent se placer devant le trône du Roi.
L'enchanteur qui ne disait rien regardait
fixement dans l'assemblé, il dévisageait
un jeune Korrigan, celui-là même qui lui
avait volé un morceau de son si précieux
miroir.
- Peuple gardien des secrets des Fées,
Korrigan de la nuit mes frères, écouter
moi ! Dit le Roi face à la foule. Un de
mos glaneur a défié notre autorité et s'est
permis de faire justice sans l'ordre du
grand conseil. Qui d'entre vous est ce fou
? Qu'il avance vers moi ! …
Prit dans le regard profond de l'enchanteur
le korrigan visé par les paroles du Roi
ne pouvait fuir la vérité. Il prit ses compagnons
par le bras, et devant le seigneur des lieux,
ils virent se prosterner.
- C'est nous mon Roi ! Dit Kroïk. Ils
ne veulent plus donner leurs offrandes au
petit peuple, alors je me suis permis de
les punir, mais pas méchamment ! Gémissait-il
la tête baissée.
- Toi mon fils ! Toi qui devrais être
le plus sage et glorieux de nos glaneurs,
tu te montres sous le visage hideux du traître.
J'ai honte de ma maison et donne le droit
de punition à l'enchanteur ici présent.
Qu'il face de vous ceux qu'il veut ! Proclama
le Roi furieux.
Le vieux druide avança devant une assemblée
médusée devant le spectacle d'un Roi si
mal récompensé par son fils. Il leva les
bras pour prendre la parole.
- Mes grands amis, je n'aime pas la vengeance
et vous s'avez tous que je vous ai toujours
défendu devant les hommes de mauvaise foi.
Gardez ce jeune prétentieux et ses compagnons
en prison pendant une demi-lune et reprenons
une vie normale. Qu'ils réfléchissent à
leurs actes et je me charge de faire comprendre
aux hommes qu'il n'y a plus rien à craindre
!
Le jour ne s'était pas encore levé quand
l'enchanteur sorti des pierres sacrées.
Il se mit en route immédiatement vers le
château, car il était de ces hommes qui
aime régler les affaires importantes sans
tarder.
Arrivé devant le château, ils étaient
nombreux derrière lui. Tous le suivaient
pour savoir si les problèmes avec les petits
êtres de la nuit étaient terminés. Devant
les marches du château le vieil homme s'arrêta
et le seigneur des lieux vint à sa rencontre.
Il avait un grand sourire, car cette nuit
rien ne s'était produit dans les fermages
de ses terres.
- Seigneur, les coupables attendent leur
châtiment dans les geôles humides des sous-terrains
du temps. J'ai le grand honneur de pouvoir
décider de leur destin. Provisoirement ils
sont aux fers pour 15 jours, il ne tient
qu'à toi pour augmenter cette punition,
que veux-tu que l'on face d'eux ?
- Il n'y a pas eu de vraies pertes, 15
jours de prison aurait été le jugement rendu
pour des jeunes de mon peuple, s'ils avaient
fait ce genre de farces. Mais, peux-tu nous
protéger pour que ce type de problème ne
recommence pas ?
Le vieux druide se caressa longuement
la barbe, avant que vienne sur son visage,
la moindre expression. Puis avec une étrange
lueur dans le regard il dit :
- L'enchantement des oiseaux de l'estran
me paraît le plus judicieux. Que le sabotier
vienne avec moi jusqu'à ma hutte dans les
bois, je lui donnerai les pierres et instructions
qui conviennent dans ce cas !
Il avait choisi le sabotier pour son
franc parler. La mission qu'il devra remplir
demandait d'être bien comprise par tous
même par les plus simples. Arrivés devant
la cabane de l'enchanteur, le sabotier resta
à la porte, pour rien au monde il ne serait
rentré avec lui, il avait trop peur de ce
qu'il pourrait voir, sentir ou pire encore,
toucher. L'enchanteur ressorti avec un petit
sac en cuir.
- Tu passeras dans chaque maison, tu
donneras un de ces petits galets par famille.
Ils devront le mettre à coté de leurs offrandes
aux petits peuples. Cela protègera la maison
d'une colère injustifiée d'un Korrigan mal
inspiré. Mais surtout ne soyez pas malhonnête
avec eux, le sortilège qui entour le galet
se retournerait comme vous ! Tu m'as bien
compris ?
- Oui, oui ! Je ferais comme tu as dit
noble vieillard. Merci, merci ! Le sabotier
pris le sac en cuir et disparu dans les
sous-bois du bois Riou.
Les 15 nuits suivant, le calme fit oublier
toute cette histoire. Les hommes et la nature
vivaient dans l'harmonie du respect mutuel.
Sans doute, grâce aux galets du magicien
ou tout simplement parce qu'ils respectaient,
le soir venu, la tradition qui voulait que
l'on laisse sur la table ou dans la cheminée
un peu de nourriture pour le petit peuple.
Toujours est-il que le temps de la colère
et des mauvais pensés envers le peuple des
Korrigans faisait partie du passé.
La libération de Kroïk et de ses amis
correspondait à une nuit de lune. Après
toute une série de recommandations faisant
partie du rituel de sortie de prison, nos
compères ne traînèrent pas devant leur chariot
de collectage. Aussitôt libre ils filèrent
en direction des habitations humaines sans
demander leur reste.
Leur première visite fût pour la ferme
la plus éloignée afin de finir au château
ce qui les rapprochaient de chez eux. Ils
ne s'étaient pas adressé la parole pendant
les deux premières visites et bien vite
avaient repris leur vieille habitude. Ils
plaisantaient joyeusement sur le chemin
qui les menaient dans la nuit.
Arrivés au château, je devrais dire plutôt,
dans les cuisines du seigneur. Une assiette
posée près de la cheminée les attendaient,
elle contenait un gros morceau de fromage
et du pain de seigle. Non loin de là, sur
la table, trônait une cruche en terre cuite,
ce récipient dégageait une odeur de miel,
qui attira le regard de Kroïk.
- J'ai très soif, buvons un peu de ce
breuvage. Dit-il en montrant la cruche
D'un bon il était sur la table et en
deux tours de main il porta la cruche à
sa bouche. Une gorgée, deux gorgées et trois,
il là fît passer à ces amis en chantonnent.
- Buvez mes compagnons ; buvons pour
la prison et oublions le goût des draps
de goémon. Buvons, buvons à la santé du
marmiton !
Mais l'un d'eux refusa de boire, les
yeux effrayés il regardait tout autour de
lui comme s'il y avait dans l'ombre des
regards inquisiteurs.
- Non, non je ne veux pas boire de ce
chouchen de malheur. Le souvenir, des nuits
passées le nez dans la paille moisie de
la prison, me fait trop mal. Non, non je
ne veux pas y retourner
- Pas moi ! Dit l'autre. Donne-moi la
cruche j'ai soif de vivre ; et que le seigneur
de ce château est les oreilles remplis de
crottes de troll !
- Tiens mon frère, désaltères-toi ! Dit
Kroïk. Quant à toi, le traître, vas rejoindre
les autres esclaves qui se cachent avec
mon père sous la terre ! Vas et dit leurs,
que nous allons faire vivre à tous ces hommes,
le cauchemar de leur vie !
Prennent son ex-ami par l'épaule, Kroïk
lui mit le chariot plein de vivres dans
les mains et le poussa dehors. Il n'a pas
le temps dire un mot que les deux autres
étaient déjà repartis à l'intérieur des
cuisines. Il prit le chemin du retour un
peu triste et honteux, mais ne se retourna
pas.
De retour dans la cuisine, le prince
des Korrigans poussa son cri de guerre le
plus effroyable et fonça comme un démon
avec son complice, dans les réserves.
Leur attaque fût arrêtée nette par une
lumière très vive qui leur brûla le fond
des yeux. Cloué sur place une force étrange
les obligea à plier les genoux. Une douleur
immense dans le dos les obligea à ce rouler
par-terre. De leurs épaules sortaient une
forme distordue, s'allongeant et ce transformant
en une paire d'ailes toutes noires. Une
violente douleur dans le coup marqua l'allongement
de celui-ci, et leurs têtes se déformèrent
en têtes d'oiseaux au bec crochu dans le
bout et leurs yeux prirent la couleur qui
marque la folie. Leurs gambes devinrent
queues et leurs bras des pattes que leurs
mains palmées finissaient de constituer.
Le sortilège des galets les avait transformés
en Cormoran.
Ne jette plus de pierre aux oiseaux noirs
qui sèchent leurs plumes aux vents d'hiver.
Ils ont payé très cher leur manque de respect.
Souvenez-vous que la nature se venge toujours
du mal que l'ont fait à ses créations :
Un arbre vie, un animal vie, une pierre
vie et nous sommes les porteurs et protecteurs
de la vie.
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