Trafic
de carpe
Problème
de société ou Problème de choix de société
?
( Denis Crespy )
De temps à autre, on entend parler, en période de faible activité de pêche, le
plus souvent en hiver, de ce vieux serpent de mer qui, de temps en temps, refait
surface : le Trafic de Carpe… Il y a bien matière à s'émouvoir à rabattre ces
troupes lorsqu'on les sent plus ou moins démotivés à se battre, à se mobiliser.
Bien noble cause…
Et pourtant, si aujourd'hui je m'exprime, ce n'est
pas pour abonder dans un sens ou dans l'autre, de donner raison à Pierre et de
désavouer Paul, quoique tous deux fussent des Apôtres. Mais c'est pour, avant
tout, apporter matière à ouvrir le débat, et essayer de sortir de ce qui me
semble être une impasse. Il me plait de me souvenir du temps où pour se faire
quatre ronds, le papy pêcheur, ou le jeunot ayant pris l'exemple de ses aînés
pêcheurs de gardon allaient taquiner ce pauvre poisson pour aller le vendre au
magasin de pêche du coin en manque de vifs à l'ouverture ou la fermeture du
carnassier ou mieux tout le temps pour s'acheter quelques appâts, mettre le
plein de carburant… j'en passe ;! Faut bien payer son matériel ! Ça coûte chère
la pêche, et le permis mon brave Mônsieur !!!
Apparu, dans la même lignée, le petit malin, ne s'emmerdant plus de
canne, d'hameçons d'asticots, c'est bien tout cher tout ça, qui lui décida
d'investir dans un carrelet, si possible hors normes, pour faire lui aussi
quelques vifs, pour pêcher certes, mais aussi pour, allez, vendre son surplus.
Et monsieur le commerçant, je n'ose point dire monsieur l'épicier, quoique ces
deux professions sont respectables, j'ai quelques gardons bien vivants, vous me
les prenez ? On peut toujours s'arranger. Le poisson, je ne parle pas du
cyprinidé, bien ferré, il ne manquait plus qu'à voir les choses en plus grand et
dévaster tous les trous gavés de poissons en tous genres. Surtout en période de
sécheresse. Vous comprendrez aisément et malheureusement, que ce petit jeu ne
s'arrêtait pas à un seul magasin mais à plusieurs. Fort heureusement que tous ne
sont pas semblables. Que trouvez vous à redire, monsieur, rien ! C'est bien tout
le monde retrouve son compte l'apprenti pêcheur, l'apprenti pisciculture, le
commerçant, c'est vrai il est là pour faire du commerce et acheter ses produits
le plus bas possible afin d'augmenter sa marge, ou limité la casse, s'en suit
inévitablement le pisciculteur véreux, qui sentant la bonne aubaine en fit de
même. Si cette histoire s'en était arrêtée là, rien de grave, mais
malheureusement elle continua avec le vairon, vous savez, ce petit poisson pour
la truite, et bien d'autre espèce. Contrôle sanitaire, j'en ai cure ! Mais
pourvu que cela dure ! Oh, il y a bien de temps à autre des contrôles du CSP
dans quelques boutiques pour vérifier la provenance…
C'est à peu près à la même époque que l'on vit apparaître un autre
genre d'individu, celui de l'apprenti sorcier, celui qui pour ce faire plaisir
ou pire se sentant investi d'une mission divine décida d'introduire, au gré de
ses humeurs telle ou telle espèce de poiscaille, importée de je ne sais d'où,
trouvée dans quelques aquariums spécialisés, peut-être du pisciculteur du coin,
qui s'est planté en beauté lors de ses études de marché, pour rempoissonner
telle ou telle rivière, plan d'eau, en créant ainsi des déséquilibres majeurs.
Mais on s'en fout, il n'y a qu'à regarder l'implantation réussie du sandre vous
répondra-t-il ! Quoi le silure : c'est le poisson d'avenir, l'esturgeon aussi,
demandez sur ce point l'avis des AAPPMA qui gèrent Montbel. Et on peut
continuer, la perche soleil, le poisson chat, le black-bass (mais attention
c'est cher alors c'est mieux d'aller le prendre chez le voisin) le piranha, la
tortue de Floride c'est beau mais ça grandi trop vite à la maison, et elle sera
mieux dans la nature, les écrevisses, c'est bon, et de toute façon de l'indigène
il y en a plus depuis que l'on a enterré l'arrière grand père.
Mais peut-être en alevinant dans des espèces
étrangères à notre patrimoine halieutique, sauverons nous nos cartes de pêche…
la carpe en est un exemple ! Elle fut importée à l'origine par les moines
bénédictins, pour les nourrir les vendredis et les jours de carême. C'est bien
loin tout ça ! Pour le sandre et le black-bass s'est une autre histoire…
Et avec tous ces poissons, le pêcheur c'est bien
spécialisé, s'en est bien fini des pêcheurs généralistes !
Et dans ces spécialistes, apparut, au bord de nos rivières, un bien
étrange personnage, houlà la !!! C'est qui ce monsieur qui pêche du poisson
tout juste bon à faire de l'asticot, qui pêche de la carpe avec tout ce
matériel, bien trop cher pour ce poisson de bas étage, c'est louche !!!
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Il y a
anguille sous roche, et en plus il la remet à l'eau : hérésie, hérétique, il n'a
pas de place chez nous ! Dressez le bûcher, faites venir le garde inquisiteur,
et un dominicain s'il vous plait. Attention à vous frère Guillaume de
Baskerville ! Il va nous empêcher d'avancer, plutôt de tourner en rond, de faire
nos petites affaires entre nous. Houlà là ne s'est pas bon pour nous ! Et puis
relâcher le poisson c'est un acte contre nature.
Le mot est lâché ! Et oui relâcher le poisson, c'est
un acte contre nature ! Vous n'imaginez pas ! Faut bien aller à la pêche pour
prendre des poissons les tuer remplir le congélateur, donner à manger au chat et
puis on s'en fout, si le congélo est plein, on mettra les plus vieux, vous savez
ceux qui sont là depuis deux trois ans à la poubelle, ils ne seront bien plus
bons, même pour les matous, et en plus maintenant ils n'aiment que les
croquettes et autres pâtées cuisinés spécialement dans des usines toutes
flambantes. Faut bien faire travailler le très puissant secteur agro
alimentaire… La bouffe ne doit pas déroger à la modernité !!! Et puis dans la
famille il n'y peut être que l'oncle qui aime les concentrés de mercure, de
plomb. Non je rigole, les poissons de nos rivières si pures, aux eaux si
limpides et sans nitrates et phosphates, ne peuvent qu'abriter des poissons
sains, peut être soignés au Prozac, antibiotiques… et bien d'autre chose.
Peut-être je ne suis que le seul à manger du poisson à la maison, et pas
n'importe lequel. Lequel ? Bof je ne sais pas…
C'est vrai, ils sont bizarres ces gens là : ils ont
des coutumes bien bizarre, ils veulent la pêche de nuit pour pêcher, la carpe à
ce qu'ils disent, ils vivent en groupe, mais plus souvent par deux, ils dorment
sous des tentes camouflées, comme tu temps de l'armée avec des habits camouflés,
houlà là c'est étrange !!! Avec toutes ces manières ils ont bien quelques
choses à se reprocher !!! Non, plutôt quelques choses à cacher avec tout cet
étalage de matériel qui coûte des sous !!! Et en plus ils ne font rien, ils
sont toujours à la pêche. Faut bien de l'argent pour vivre ? Ils magouillent,
ils magouillent… Vite le procès en hérésie, allumez le bûcher.
Et hop naît une rumeur, et la rumeur enfle avec le carpiste et tout la
fantasmagorie qui l'accompagne. N'est-il pas toujours d'actualité, même dans nos
propres rangs, de détruire ce que l'on peut comprendre, appréhender ? Faculté de
nuisance, volonté délibérée de détruire le progressisme, ou pire encore
l'ignorance… Toutes les couches de la société semblent être touchées par ce
fléau… mais il en existe bien une, difficile à classer celle du fonctionnaire
territorial, ou autre, qui n'aime pas le pêcheur de carpe parce qu'il lui donne
du travail en plus et l'empêche de sommeiller dans son bureau. De ceux-là j'en
connais pas mal, indéboulonnables et indécrottables dont leur seul but dans leur
chienne de vie, est de tout diriger sans rien comprendre
Et avec les rumeurs, on sait lorsqu'elles débutent
et jamais quand elles commencent à gonfler, s'enfler et jusqu'où elles vont
aller.
Trafic de Carpe ? A écouter toutes les
conversations, on finirait par croire que la carpe génère autant de profit que
le caviar de la Caspienne, et que les colombiens » c'est un cliché bien
déplaisant pour ce peuple, plutôt les cartels vont laisser tomber leurs
commerces pour se lancer dans ce nouvel eldorado, le business carpe ! Il y
aurait bien ministre d'Etat candidat à la fonction suprême, en mal de voix,
puritain, moraliste, néo conservateur américanophile, bien populiste qui
s'éclaterait à nettoyer les berges de nos rivières et plan d'eau au karcher.
Bien belle image que nous donnons là, mais quand
est-il vraiment ?
Cette politique toujours d'actualité a le mérite de
faire travailler chez nous bien de pisciculteur au détriment d'une politique de
gestion raisonnée de nos ressources piscicoles. Comme dans tout « délit » et
afin d'analyser les raisons qui poussent un individu lambda a trafiquer il faut
rechercher à qui profite le crime. Et là, je ne vois malheureusement que la
parcours de pêche privé… Que l'on me trouve le contraire !!! C'est
l'engouement de la pêche de la carpe, la multiplication de parcours de pêche
privés qui ont favorisé le pillage des ressources piscicoles du domaine
associatif. Je vois très mal une AAPPMA voler les poissons d'une autre AAPPMA et
vis versa. Car qui se vante d'avoir, pour attirer une clientèle de plus en plus
aisé d'avoir des poissons de plus de 20 kg, c'est un argument bien vendeur ça…
Je ne sais pas vous, ce que vous en pensez, mais parfois je préfère attraper un
poisson de 10 kg qui bataille bien qu'une carpe de 25 kg apathique, qui faut
tracter comme une masse d'herbier inerte. A chacun ces goûts, peut-être je ne
fais pas l'unanimité, il en demeure pas moins que c'est souvent une réalité,
peut-être qu'au niveau du rush final… à voir et ce n'est pas sûr. Certains
diront que je n'ai jamais pêché que je n'ai jamais eu la chance qu'attraper une
grosse… mais là ils se trompent fort…
Si
nous assistons en France au pillage de notre patrimoine halieutique, c'est bien
qu'il existe ce marché parallèle pour fournir en gros spécimens le secteur
privé… La demande a été à un moment, certes, forte, mais à ce jour, je crois que
tout le privé a été pourvu, il ne manque plus qu'à faire du « réassort », à
peupler les nouvelles étendues d'eau, où à moins d'exporter.
Je me rappelle le début de « la carpe », poisson
fourrage par excellence, et poisson très apprécié par les gens du nord pour sa
valeur gustative - carpe frite - elle n'avait guère le temps de s'engraisser
dans les Dombes, ou dans les piscicultures. Il y a bien eu une demande de la
part du privé pour de gros sujets auprès des fournisseurs agréés, demande certes
vite pourvue et à des prix de plus en plus élevés. Et devant la pénurie, bien de
« commerçants » ont essayé de trouver de nouvelles sources d'approvisionnement…
Car il a été bien difficile de trouver des poissons de plus 10 kg sur le marché
officiel.
Une question demeure, comment cela se fait-il, que
des pisciculteurs ont trouvé à vendre des poissons de plus de 20 kg ? Je vois
très mal le pêcheur lambda faire sa tournée avec des carpes dans sa valise. N'y
a-t-il pas matière à réflexion ? Oui, une partie de cette profession, a bien
participé, avec le concours des pêcheurs professionnels au pillage de nos
rivières. Car elle seule détient le droit de transporter, d'acheter et de vendre
le poisson vivant. Mais surtout connaît les acheteurs, et peut en cas de
contrôle justifier la marchandise… Vous me direz que lorsque l'on fraude on
fraude vraiment. Je vois aussi mal, compte tenu des règles comptables de voir un
lac privé, et même un commerçant quel qu'il soit de se priver de récupérer sa
TVA, ou mieux encore déduire de son chiffre d'affaire les factures achats son
investissement. A moins qu'il soit millionnaire. Et ce n'est pas sûr !
S'il est vrai que le pêcheur lambda a un jour pensé
à vendre, ou a vendu sa belle prise, c'est qu'il y avait quelqu'un qui lui a
demandé, et sincèrement je ne pense pas que c'est lui qui c'est engraissé !
C'est une réalité, mais par contre qu'il y est des personnes ou des groupes de
personnes spécialisés ou qui se spécialisent dans le trafic, là c'est une
réalité. Mais comme je vous le dis, gardez à l'esprit à qui profite le crime…
Le
trafic de carpe est bien né de la privatisation de notre patrimoine et dans
patrimoine j'entends aussi les gravières, carrières, tout ce qui avait été
oublié par la loi. C'est un des paradoxe de la loi pêche 1984, nul n'avait pensé
qu'un jour que nous aurions face à la pêche associative, l'émergence d'une pêche
privée, profitant des investissements et de la gestion du monde associatif.
C'est bien un choix de société, où même l'Etat
Français vend ses bijoux de famille comme on dit communément. Je pense aux
autoroutes en particulier. Mais tout doit être profit n'est-ce pas dans ce
monde ? Notre société ne devient-elle pas individualiste, comme les aime les
régimes dictatoriaux ?
S'il est vrai que le parcours public se fait encore
piller, il faut se poser les bonnes questions. Et j'ai essayé de vous apporter
une autre vision.
Des remèdes, il y en a bien, mais existe-t-il une
volonté de lutter contre le trafic ? Je ne le pense pas ! Il y a bien des demi
mesures qui pénalisent le pêcheur de base, et à chacun sa connerie ; Le sac pour
le GN Carpe et la maille inversée pour l'UNCM et fier d'avoir modifier la loi, …
bien amusant lorsqu'il va falloir transporter le poisson sur le tapis de
réception, puis le mettre dans son sac de conservation puis dans l'eau…
Fini les photos, fini de mettre au sac un poisson
pour attendre qu'il se repose ou d'attendre une meilleure lumière, fini les
concours, les enduros dans un cadre légal…
Bon courage à tous les organisateurs !
Mais si on avait voulu prendre des mesures efficaces
pour lutter contre le trafic, il fallait interdire la gestion par le privé des
ressources piscicoles, interdire les parcours de pêche privé et imposer un
contrôle strict sur le transport et la provenance des poissons. Là c'était des
mesures courageuses à prendre. Et je ne parle pas des associations, qui par
vocation, sont publiques, qui font la promotion du secteur privé, organisent
leur concours, leurs enduros sur des lacs privés… Et ces mêmes associations
jouent les « pères la morale » sur le trafic de carpe, alors là je me dis, mon
petit tu n'as rien compris… (Malheureusement oui…)
Un petit paradoxe, je reviens sur les modifications
de la loi pêche, et surtout l'Art. L. 436-16, bien, mais comment une société de
pêche d'un village lambda, une AAPPMA, ou bien même une Fédération
Départementale, structures composées de pêcheurs amateurs, pourra procéder un
plan de sauvetage de poisson, soumis à l'accord et sous le contrôle de la DDAF,
par exemple suite à un baisse rapide du niveau de l'eau, ou bien en période de
sécheresse, sans être en infraction avec la Loi.
Quoique dans la plus part du temps, il n'était pas
rare de voir ces plans de sauvetage se faire sans les accords de
l'administration… tous étions en infraction, mais voilà avec un nouveau texte,
je crains fort que de nombreux bénévoles se découragent une fois de plus avec un
risque non négligeable d'amende qui engraissera le Trésor Public au détriment
d'une gestion raisonné des milieux aquatiques.
La pêche professionnelle, les pêches privées grâce à
cette mesure, vont pouvoir prospérer…
On marche bien sur notre tête !!!
Une loi est un édifice où tous les articles
s'enchevêtrent, depuis quelques temps on joue aux apprentis sorciers au lieu de
travailler sur un nouveau projet global…
Bien à vous tous, et surtout ne venez pas vous
plaindre lorsque un garde, un fonctionnaire viendra vous aligner au titre de ces
modifications qui…
Pavoisons pavoisons…
Publié
avec l'aimable autorisation
de l'auteur - Denis
Crespy
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